vendredi 30 juillet 2010

Y voir clair

J'inaugure ce matin une nouvelle catégorie. Je vais essayer de décrire ce que je ressens parfois, en utilisant volontairement des images, des comparaisons, pour tenter de faire partager cette folie qui me ravage lentement.

Je commence par le plus fréquent. J'ai l'impression d'utiliser la vie de quelqu'un d'autre. Je suis face à un tableau de commandes dont je n'utilise pas la moitié, parce que je ne sais pas à quoi servent tous ces boutons. Je fais illusion, plus ou moins bien, dans mes différentes manoeuvres, mais en réalité ce n'est pas mon véhicule, et je ne sais pas tout faire marcher.
Ce qui m'apporte, évidemment, un énorme sentiment de culpabilité : je ne suis qu'un escroc, planquée derrière mon écran de contrôle. Personne ne se rend vraiment compte de ma nullité, et j'avance, tant bien que mal, à l'abri dans ce personnage qui n'est pas moi.
De plus en plus, je ressens l'urgence de rendre cette vie, de retrouver celui ou celle qui aurait dû être à ma place, pour lui dire : "Tiens, j'ai déconné, je l'ai vraiment abîmée, essaie de la faire réparer... si tu peux..."
D'autres fois, me prend l'envie frénétique de claquer la portière, de m'enfuir en abandonnant ce gros machin inutile et encombrant, de courir loin, le plus loin possible de cette carcasse.
Comme une de ces "voitures de l'an 2000" qu'on imaginait glissant sur des rails, je suis prisonnière d'une trajectoire que je n'ai pas vraiment choisie.

mercredi 28 juillet 2010

A l'attention d'un mauvais perdant (qui se reconnaîtra)

Tu peux bien t'en prendre au monde entier, renverser le plateau de jeu, accuser les autres d'avoir triché, tu peux pleurer, te replier sur toi-même, et te plaindre à longueur de temps, il n'en reste pas moins que tu as perdu la partie.
Tu avais de très bonnes cartes en main, tu aurais pu l'emporter, et triompher, comme d'habitude, écrasant de ta suffisance tes pauvres adversaires.
Mais tu as joué comme un crétin, parfois sans réfléchir une seconde, d'autres fois élaborant des stratégies fumeuses et tarabiscotées, qui ne brillaient que pour toi.
C'est fini pour cette fois-ci, les comptes sont faits, les jetons sont rangés, ta poche est vide, et tu cries vengeance.
Je n'ai pas de conseil à te donner : j'ai moi-même perdu très souvent à ce petit jeu-là. Je voudrais juste te mettre en garde : si par hasard, tu étais invité bientôt à une nouvelle partie, prends ton temps avant d'accepter. Laisse tomber les calculs, savoure le plaisir d'être simplement assis, en compagnie de tes amis, et qu'importe de perdre... Souris.

mardi 27 juillet 2010

1.000 bornes

Trois jours.
C'est le temps qu'il m'a fallu pour envisager de pouvoir mettre par écrit ce voyage infernal.
Je suis rentrée jeudi. J'ai dû m'y reprendre 3 fois pour terminer.

Je passe sur la fin de mon séjour chez la mère de Sophie, j'aurai sûrement l'occasion d'en reparler. Sautons directement à jeudi matin, 2h26, je me réveille. Mon sac est déjà dans la voiture, le plein est fait, les filles m'attendent à la maison.
J'ai recopié l'itinéraire de retour, parce qu'il me manque presque 50 euros pour prendre l'autoroute tout du long comme à l'aller : 25 que je préfère garder pour l'essence, au cas où, et 20 qui ont "disparu"... Je prévois donc de passer par la nationale, ça devrait me rajouter deux heures de route mais bon, rien d'insupportable.

3h du matin, je démarre, il pleut. Pas cool, depuis que Maxence a cassé la manette des essuie-glaces, je galère à les lancer.
Et voilà un rond-point tout à coup qui surgit de nulle part dans le noir, je freine et dérape, j'embrasse la bordure du terre-plein. Aucun panneau, pas de lumières... je râle, lâche : "Ça commence bien !!" Prémonition ?

Autoroute en version gratuite, il pleut de plus en plus, j'ai 25 euros devant moi "au cas où", je décide de les utiliser pour aller jusqu'à Dijon. J'ai mis mon sac sur le siège passager, et pour me tenir compagnie je lui parle comme à un auto-stoppeur. On roule à 100 à peine, la pluie tombe maintenant en rideau, heureusement il n'y a presque pas de camions à dépasser. Je suis étonnée par le nombre de voitures qui roulent à cette heure, souvent vite... La région est truffée de radars, et les coups de frein devant moi sont réguliers : je me concentre. Du coup, ça fait à peine 2h que je roule, et la fatigue est déjà là. Je m'arrête pour dormir, quelques km avant la sortie : il est 5h45.

7h : des hollandais se disputent juste devant mon capot, ça me réveille brutalement, de mauvaise humeur. Il pleut toujours aussi fort, du coup je repars de suite. Péage, il y a de plus en plus de voitures, petit embouteillage. Douze euros cinquante. Je me plains à mon sac.
Première nationale. La route des vins, ce serait plutôt sympa sans cette pluie qui commence à me taper sur les nerfs, et les traversées de villages à 50 km/h. En réalité, avec les feux et les piétons qui traversent en permanence devant moi (je me bagarre toujours avec mes idées parano...) je ne dépasse pas 35 km/h.
Tout à coup, un abruti sort d'un parking et fonce sur ma portière droite, je l'évite de très peu. Il me faudra plusieurs minutes pour retrouver mon calme, Monsieur Sac n'avait pas sa ceinture, il commence à descendre sous la boîte à gants.

Les villages défilent, le compteur s'enroule autour de ses kilomètres, Beaune, 22.625, Châlon, 666, Tournus, 685, Mâcon, 717... Il est plus de 9h, et je n'ai même pas fait 100 bornes, misère ! Je dois faire le plein, et pipi aussi. Villefranche enfin, je sors, m'arrête au premier centre commercial. Il est onze heures moins le quart. Avec l'autoroute, je serais sans doute déjà en Languedoc. Mon sac me conseille de penser à autre chose. Oui, depuis quelques dizaines de km, il s'est mis à me répondre.
30 euros de gazole, toilettes, un petit tour à Auchan pour acheter de quoi manger, parce que finalement, j'ai peur de ne pas être à la maison pour déjeuner. Hum. Heureusement, il y a le rayon discount : 2 gâteaux industriels, 3 bonbons, et une bouteille de Yop plus tard, il me reste 84 centimes en tout et pour tout. Pas de cabine téléphonique pour appeler mes filles, je reprends la route en serrant les dents.

11h et demie, nouvel arrêt : "Oui, je suis sur la route, ben c'est un peu dur mais ne t'en fais pas, je suis à 80 bornes de Lyon, j'arrive d'ici 4 ou 5 h je pense, oui oui, ça va, t'en fais pas, vraiment... Dis, tu crois que Kathy à Montpellier pourrait me prêter 10 eur..." Ça a coupé. Je rappelle, c'est le répondeur. Tant pis. Il faut que je me concentre : ne pas louper l'A46, gratuite, qui me fera contourner Lyon, jusqu'à Vienne.
Évidemment, je me perds, me retrouve en centre-ville, avec des directions qui auraient aussi bien pu être rédigées en russe ou en chinois... Après une demi-heure de colère noire, de demi-tours, de feux, de stops et de crises de nerfs, je m'engouffre sur l'autoroute vers Marseille, tant pis si elle est payante, j'ai juste envie de hurler que JE M'EN FOUUUUS !
Tunnel de Fourvière. Embouteillage. Automobilistes apparemment lobotomisés qui déboulent de partout, coupent ma voie, me collent aux fesses, klaxonnent, disparaissent... Je serre les dents. Péage de Vienne, "section à péage", je dois sortir. Je pleure doucement, m'engage dans le premier rond-point.

De longues parties à 2 voies, pour dépasser, et puis ces traversées désespérantes à 30km/h. Le soleil est de plus en plus chaud maintenant, je regretterais presque la pluie. Et la litanie reprend, 22.828, Valence, 22.900. Un camion polonais joue au con devant moi, il accélère en zigzaguant sur les double-voies, et roule à 30 quand la ligne continue me bloque derrière lui. Ça dure depuis une bonne cinquantaine de km, quand j'arrive enfin à le feinter, sur des zébras. Ouf ! Je n'en pouvais plus, de son petit manège.
Village suivant, panneau de limitation, je rétrograde, ralentis, jette un oeil au rétro... Mais ?! Qu'est-ce qu'il fout cet abruti ?
Je n'arriverai pas à raconter en étant spirituelle, ou agréable à lire. Je tremble encore quand j'y pense. Ce crétin m'a tout simplement poussée, sur une bonne centaine de mètres, avant que j'arrive à me dégager en accélérant à fond pour me réfugier sur le trottoir. Il a traversé le village à fond de train, des gens se sont lancés à sa poursuite mais ils sont revenus, disant qu'il les avait menacés avec une barre de fer, à son volant. D'autres ont prévenu les gendarmes, qui ont débarqué très vite, enfin je crois, j'étais dans une sorte de stupeur où je ne savais plus vraiment ce qui se passait autour de moi.

C'était un camion polonais, il paraît que porter plainte n'aurait pas servi à grand-chose. Je suis donc repartie. Jusqu'à Montélimar, quelques dizaines de km plus loin, j'ai répété en boucle à Monsieur Sac : "ne pas passer par Orange ni Avignon, ça fait un détour, ne pas passer par..." Des ronds-points, des feux, des zones commerciales, des feux, il me semblait ne plus voir que ça, ça me donnait envie de vomir. Panneaux verts, Orange Avignon Nîmes, panneaux, feux, ronds-points, Orange Avignon Nîmes... Le soleil, les panneaux, les ronds-points, "ne pas passer par Orange ni Avignon", et ces camions que je ne voyais plus, que je ne voulais plus voir, terrorisée, je roulais à des km derrière pour ne pas les doubler.
Des gendarmes ont fini par m'arrêter. Contrôle des papiers, ça va Madame, oui oui, j'ai eu... un petit ennui... vers Valence... Je pleure, encore, j'essaie d'expliquer malgré tout. J'aperçois le plus jeune qui s'éloigne, parle à sa radio. Il revient, pose sa main sur mon épaule et j'ai juste envie de le mordre furieusement, NE ME TOUCHE PAS ! "Vous devriez peut-être appeler quelqu'un, pour venir vous chercher.. Vous n'êtes peut-être pas en état de rouler..." Merci mais je veux juste rentrer chez moi. Vite. S'il vous plaît.
Et je repars. Il doit être 15h environ, je suis une voiture avec un beau jeune homme qui me fait des clins d'oeil dans son rétro extérieur. 84, Vaucluse, ah non mon petit, je ne veux pas aller à Avignon, ni à Orange... Tout à coup, dans le rond-point, il tourne encore, revient sur ses pas. Surprise, abrutie de fatigue, je fais pareil, mais le laisse partir tout seul. Que se passe-t-il ? Sur les panneaux, on ne lit plus que "Orange" maintenant, plus de Nîmes. Encore 15 km pour m'en convaincre, Mondragon, et je fais demi-tour moi aussi, jusqu'à La Palud. Un coup d'oeil à la jauge, ça commence à bien faire ces histoires, il ne me reste plus qu'un tiers de réservoir, pourvu que je ne me perde plus... A la Maison des Régions, le plan sommaire me renvoie sur Pont-Saint-Esprit, à droite.
Revoilà la pluie, revoilà mes larmes, je me mets à hurler, toute seule avec mon sac, je me cogne la tête sur la portière, espérant me réveiller, c'est un cauchemar, je ne suis pas encore partie en fait, si je me cogne assez fort sur le radiateur près de mon lit je vais me réveiller !! Je vais finir par me réveiller...

J'ai échangé les camions contre les touristes, une file désespérante qui serpente sous les platanes à 40km/h... Au loin, devant, une estafette de la gendarmerie tourne le remake des Louis de Funès, elle coince tout le monde à une allure d'escargot, et je continue à hurler ma rage par les vitres grandes ouvertes. Bagnols-sur Cèze, la ville entière est en travaux. Tresques, Connaux, ah oui, c'est exactement ça, tous des CONNEAUX !! Pouzilhac, le joli château me calme un peu, allez, je reviendrai le visiter avec les enfants, allez, ça va aller ... Regarde, Monsieur Sac, Remoulins, le Pont-du-Gard, on arrive, on y est presque, regarde Monsieur, il y a même marqué Montpellier !

Nîmes. Il est presque 17h. Je me perds, encore, manque traverser le centre-ville, retrouve de justesse les boulevards extérieurs, vers le sud. Zones commerciales, des feux. Une dame frisée s'immobilise à mon niveau, côté passager, me fait signe de baisser la vitre. Son fils est presque sorti par sa vitre, il crie : "Madame ! Eh ! Madame !" en gesticulant. Je ne comprends rien. Enfin, me montrant mon pneu arrière, elle me dit qu'il est crevé. Bravo. La totale. Je n'ai pas de roue de secours.

2 km plus loin, Massa Pneus, sur le côté. Je me gare sur le parking. Je suis incapable de descendre de cette voiture. Monsieur Sac me prend dans ses bras, me tape sur l'épaule, me murmure que ça va aller. Je descends enfin, et suis prise de tremblements. 14 heures que je suis au volant. Je ne sais pas comment j'ai pu aller jusqu'à l'accueil.
"Bonjour Madame, j'ai un problème, j'ai crevé un pneu, je n'ai pas d'argent, est-ce que je peux vous laisser ma pièce d'identité en caution et revenir vous payer demain ?" Elle repêche chacun de mes mots dans le flot de larmes qui les accompagne, les assemble, hésite. Refuse.
Un peu plus loin, Feu Vert. "Bonjour Madame, j'ai un problème, j'ai crevé un pneu, je n'ai pas d'argent, est-ce que je peux ..." Mes larmes la noient, elle y oppose au plus vite un barrage épais : "Il vous faut voir ça avec Samuel !" J'avance comme une automate vers l'atelier, ressors mon discours. Il réfléchit, et me demande : "Vous avez roulé dessus, le pneu crevé ?" Ah non je me suis trompée, il ne réfléchissait pas, apparemment... Je me retiens de répondre : "Non non, j'ai pris la voiture sous mon bras, bien sûr..." Il rajoute : "Il va falloir changer les 2 pneus vous savez..." Oui, je sais que tu vas profiter de la situation, c'est juste pour ça que je ne vais jamais chez Feu Vert, d'habitude... "Et j'espère que vous n'êtes pas pressée, parce que je ne peux pas vous faire ça avant 19h !"

Je gare la voiture devant l'atelier, leur donne les clés, rappelle les filles, qui sont catastrophées au bout du fil, et veulent me rejoindre. Puis je me réfugie dans les toilettes du Carrefour d'à côté, évacue 10 litres au moins, en bois autant au robinet. Je m'assois dix minutes au milieu de la galerie, compte 6 caddies, et retourne devant l'atelier. La voiture est sur le pont, mais personne n'y travaille. Personne ne travaille nulle part d'ailleurs, ils partent tous les uns après les autres, et moi j'attends. Enfin, un apprenti s'approche, démonte et remonte les pneus en quelques minutes, descend la voiture. Je récupère les clés, rappelle les filles, et je m'enfuis, une facture de 80 euros danse devant mes yeux.

Lunel, Montpellier. Je galère encore pour retrouver le sud, savoure 14 km d'autoroute gratuite. Le soleil se couche, et bien sûr je le prends en pleine poire. Encore quelques voitures devant moi qui roulent à 70, je piaffe, double en faisant hurler mes vitesses. Fabrègues, Gigean, Fête de l'Âne dimanche, tiens, on pourrait y emmener le petit. Loupian, Mèze, mais bon sang, elle est où cette putain d'A75 ??! Nous ne sommes plus que deux sur la route, devant, un monospace qui semble aussi soulagé que moi d'être débarrassé de la mamie escargot de Montagnac.
Non. Je ferme les yeux, respire un grand coup. Il ralentit aux lignes continues, accélère aux zones de dépassement. Je sens la panique qui monte, pas maintenant, ne pas y repenser maintenant ! Et tout à coup, on tombe à 50km/h, puis 40... Je vais exploser ! L'autoroute est à deux ronds-points de là, je grimpe sur le premier pour dépasser le monospace, j'escalade le deuxième pour contourner la voiture sans permis, je m'engouffre sur l'autoroute, je me rends compte que je suis en train de hurler. Encore, encore, sans fin, je fonce à 130 km/h et je crie à me casser la voix. Neuf kilomètres. Je suis à neuf kilomètres de chez moi. Chez moi.

Il est 21h30 quand j'arrive. J'ai parcouru 1.000 kilomètres. En parlant à un sac.

samedi 17 juillet 2010

En vacances


J'habite avec deux gros chiens : un au chocolat, l'autre à la vanille. Le deuxième est très vieux, il claque des mâchoires pour attraper les mouches. Il croit toujours que j'en veux à Sophie et donc, pour la défendre, il m'attaque. Il m'aboie dessus, et limite il me croquerait, si jamais je ne comprenais pas que non, on ne lui parle pas sur ce ton !

Mais le premier, c'est pire. C'est mon cauchemar. Non seulement il me lèche et me bave dessus, comme l'autre, mais en plus il a l'arme nucléaire : il pète. A intervalles réguliers. Sous mon nez. Genre ces diffuseurs de désodorisants à détecteur de présence, mais lui il diffuse pas de la rose...
Quand je suis sur le canapé, calée dans l'angle, à comater devant la télé, il se couche juste en dessous de l'accoudoir, le postérieur à l'aplomb de mon nez. Et pssshit.

Et je ne parle pas des poils sur le pantalon, du bruit permanent de climatiseur position ON, du jouet baveux posé en offrande sur mes pieds, de la piscine autour de son seau pour boire, de ses rots et ronflements, et de son obstination à me suivre voire à me précéder partout où je veux aller. Non merci Brownie, t'es gentil mais je n'ai pas besoin que tu m'aides pour m'allonger sur le transat... C'est bon le chien, je n'ai pas trop peur aux toilettes, t'es pas obligé de m'y accompagner... Tu permets que je descende l'escalier ? je voudrais arriver en bas sans rien me casser, t'es sympa...

Ouais j'aime pas les chiens. Mais ça se voit tant que ça ?

lundi 12 juillet 2010

Laisse-moi partir

Sculpture de Frère François Martin

Cette nuit, je prends la route.
Ça fait des semaines que j'en rêve, et puis chaque fois j'ai une bonne raison de rester, encore.
Sophie va accoucher. Elle m'attend chez sa mère, pour que je la ramène chez elle, et qu'elle puisse mettre au monde sa petite fille, tranquillement, sans pression.
Je dois aller la voir depuis le mois d'avril, déjà.
Cette nuit, c'est le départ.
Mon sac n'est pas fait, bien sûr, mais le réservoir est plein de gazole, les niveaux ont été refaits, je suis passée à la banque retirer de quoi payer les péages. J'ai même acheté un kit triangle-gilet de sécurité. Et j'ai fait la sieste.
Les filles ont fait le plein au supermarché, et j'ai dit au revoir au p'tit bonhomme en le couchant ce soir : je ne le revois pas avant le 24 juillet.
Cette nuit, c'est l'autoroute sombre, les silhouettes de camion dans les phares, les vitres grandes ouvertes sur le vent caressant. Ce sont les chiffres du compteur qui défilent, les panneaux qui s'enchaînent, les lignes blanches qui me chantent leur chanson sans fin.
Mes idées s'imbriqueront les unes dans les autres, sans faille, sans trou noir, elles illumineront ma route, et j'avancerai comme libérée, au coeur d'un labyrinthe familier, dont les murs caresseront chacun de mes pas.
Cette nuit, je pars.

dimanche 11 juillet 2010

Scotchée

Ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé : ne pas lâcher un livre tant que je ne l'ai pas fini...
Cette semaine, on a traîné à France Loisirs sans trop savoir quoi prendre, rien de bien tentant. On se décide finalement pour L'impossible pardon (mon fils saura pourquoi), de R. S Meyers. J'attends ce matin pour l'ouvrir : le p'tit bonhomme n'est pas là, il est 7h40 et je n'arrive pas à me rendormir.
Ouch! C'est une claque dans la figure, et comme dit Stromae "quand tu crois qu'y en a plus y en a encore !"
Pas facile à résumer, l'histoire est racontée alternativement par deux soeurs, après le meurtre de leur mère par leur père ivre. Au passage, il a blessé grièvement la plus jeune. Au fil des années, on assiste au lent travail de sape de la culpabilité et du remords, sans issue envisageable.
Finement analysés et partagés, des états d'âme sans concession ; un regard féroce sur l'Autre ; un cri déchirant, permanent, qui hurle en silence tout au long des 446 pages : comment se construire sur l'absence ?
Comme d'hab, je vous mets mes extraits préférés.

"Quand maman m'a demandé de lui sauver la vie, je n'ai pas du tout été surprise. Dès ma première semaine à la maternelle, javais compris qu'elle n'était pas le genre de mère à porter des colliers de nouilles. En gros, maman me considérait comme une servante miniature.
Passe-moi un Pepsi, Lulu.
Sors le lait pour les céréales de ta soeur.
Va au magasin m'acheter un paquet de Winston.
Et puis un jour elle est montée d'un cran.
Ne laisse pas entrer papa dans l'appartement.[...]

Même avant son départ, papa n'était pas d'une très grande aide. Il avait ses propres problèmes. Mon père voulait des choses qu'il ne pouvait pas obtenir, et, par-dessus tout, il désirait ma mère. [...]

Jamais je ne m'étais doutée que les filles prendraient possession de moi à ce point, ni que la moindre de leurs chutes me laisserait des bosses.[...]

Essayer de garder des souvenirs de maman revenait à vouloir attraper la pluie."

dimanche 4 juillet 2010

Anniversaire


Ça fait quatre ans que nous avons emménagé ici.
Virés de la maison louée depuis 2000, parce que les proprios-héritiers voulaient faire une affaire juteuse avec un promoteur inconscient.
Résultat : le projet d'immeuble, 14 logements, 2 étages, 21 places de parking n'a jamais vu le jour, les 400.000 euros en jeu n'ont jamais été versés, et la mairie a interdit toute démolition, toute construction sur le terrain, déclaré instable.
La maison est toujours là, elle s'abîme, et moi je ricane.
Pour une fois que des vilains pas beaux se font choper...

jeudi 1 juillet 2010

Générations

Dans la mythologie grecque, Mégère ("la haine") est l'une des trois Erinyes, déesses chargées de punir les auteurs de crimes tout au long de leur vie jusqu’à les rendre fous. Ce sont des créatures hideuses, ayant des serpents pour cheveux, munies d’ailes et de fouets et dont le sang coule par les yeux. Le nom de Mégère est devenu un nom commun qui désigne une femme violente et agressive.


A ma grande

Ces temps-ci je suis la pire des Mégères. Je n'arrive pas à te transmettre sereinement ce que j'ai appris en vous élevant, et j'enrage de te voir commettre les mêmes erreurs que les miennes.
Bats-toi Nanette, défends-toi et n'oublie pas d'exister à part entière, tu n'es pas juste la maman de Maxence ! Il a besoin de ta force et de ton assurance. Tu en as à revendre, ne m'écoute surtout pas quand je m'acharne sur toi.
Tu as cette grande chance et cet immense malheur d'être mon aînée, celle qui a tout pris en premier. Et par toi me voilà à l'échelon supérieur : grand-mère, quel honneur, quelle difficulté !
Ne te laisse pas faire, ne me laisse pas te détruire : il ne faut pas que l'histoire se répète, je t'en prie protège-nous tous les trois, que ton enfant reçoive en héritage tout l'amour qui nous unit malgré tout.
Il faut que tu l'entendes : tu es ma fierté, ma première réussite, le premier combat que j'ai remporté. Tu portes en toi la force qui m'a ouvert la route, il y a longtemps. Je l'aperçois quelquefois dans les yeux de ton fils.
Ne laisse personne éteindre cette flamme.
Surtout pas moi.