dimanche 5 janvier 2014

Que Février s'en vienne


C'est un sentiment qui n'est pas facile à partager.
Un ensemble de sensations, de ressentis, d'atmosphère inconfortable et inévitable à la fois.

Quand j'étais petite aux Antilles, chaque dimanche de la nouvelle année, passaient sur la route les 'mass' : des hommes à la peau sombre, frottés au sirop noir et luisant, à peine habillés, qui traversaient les villages en hurlant et en faisant claquer leurs fouets de corde quand on osait s'approcher... D'autres les accompagnaient parfois, entièrement cachés sous une combinaison noire où était peint un squelette aux os blancs.
On les attendait, partagés entre le plaisir de les revoir et la peur qui nous nouait le ventre. Ils sentaient fort la transpiration, leurs cris se mêlaient à nos rires et aux hurlements de terreur des plus petits. Je me rappelle ces minutes brûlantes, pleines de bruit et de fureur, quand tout le voisinage se pressait autour des masques, les bidons frappés avec violence, les éclairs aveuglants des morceaux de miroirs, les sifflets, les blancs des yeux exacerbés par tout ce noir... J'avais peur, intensément, effroyablement peur. Une terreur immense, qui me tenait clouée là, incapable de bouger, de courir me cacher, de fuir.
Et puis les mass repartaient affoler d'autres quartiers, d'autres villages, je les regardais s'éloigner, petit groupe gesticulant poursuivi par les plus téméraires. L'adrénaline redescendait doucement, jusqu'au dimanche suivant, jusqu'au cri qui me tordait les tripes : "Mi yo !!" ("Les voilà !" en créole) 

Aujourd'hui, dans ma ville aseptisée du sud de la France, les dimanches sont ensommeillés, les rues sont vides. Mardi-gras n'est pas férié, le carnaval occitan peine à réveiller mon plaisir : je ne comprends pas sa joie, sa musique. 
En janvier, après l'interminable couloir des mois précédents, aux accents de fête obligatoire, aux lumières artificielles, à la course aux dépenses, voici les voeux. Voilà les masques.

Bonne... Douce... Meilleure que l'an passé... Santé, bonheur, joie, du travail, des sous... De l'amour... Bonne année, toi aussi.......
Toi aussi.

Je vais bien. Aussi bien que possible.
J'espère que vous aussi.

Vous aussi.