mercredi 8 juin 2011

Put&*$%n d'élastique !


28 étapes.

14 heures.
7 pages d'instructions.

Une piqueuse, une surjeteuse, une centrale vapeur.
Et 4 candidates : une maman dans son fauteuil roulant, une jeune femme sourde, un bébé immature, et moi.

Une jupe. Taille 38.
Bon, déjà, je ne la porterai pas.

Du lin blanc. Qui brunit au repassage : je soupçonne le fer d'être une version miniature des volcans islandais à la mode ces temps-ci. Je me suis cramé les doigts une bonne dizaine de fois mais j'ai réussi à rester polie.

Des machines industrielles. Traduction : 6.000 points à la minute, coupe-fil automatique (qui désenfile systématiquement la bête...), des pédales grandes comme des livres de Claude Ponti - ceux que tu te couches par terre pour plonger dedans - des commandes extraterrestres : non, je ne sais pas relever le pied-de-biche avec mon talon, ni coudre avec mes deux pieds en même temps, ni faire marche arrière avec mon front ! Et si ma surjeteuse me fait ce point-là à la maison, je l'emporte illico chez le réparateur...

8h30 mardi matin. On y va. Ouvrez vos livrets, lisez jusqu'au bout, vérifiez votre matériel, pleurez un bon coup. Pas sur le lin ! Tssss...
On commence par le patron en papier, coupe, coupe, épingle, trace. Premier obstacle : "Nous vous demandons de réaliser un patronnage !" Gné ? Tracer autour du patron (papier ou tissu, comme ty veux ty choiz) l'espace qu'on va garder pour les coutures. Chez moi je coupe direct, à l'oeil. Ici on va mesurer mes 10 et 15 et 40 mm. "Tolérance 1mm." C'est une blague ou bien ... ? Ah non non : tolérance zéro sur une épreuve coeff 10, hum, comment dire, euh, je peux m'en aller de suite ?
Traçons. Coupons. Recomptons les morceaux. Où est mon élastique ? Par terre.

10h40. On attaque la préparation. C'est-à-dire les fuckin'bastar'ass'hol'shiit of motheur'fuckeur (en français : put*in) de plis. Plats. Piqués. Mais pas en entier. Ce serait trop facile. Nan, les plis, ils sont couchés vers le milieu (re-gné ? milieu c'est quoi, le côté ? C'est devant ? Derrière ?? DTC !), couchés donc, et piqués sur 13 mm. Tolérance zéro. Et pour bien faire : un point d'arrêt au départ (cherche pas la couture c'est un monde loufoque...) et des noeuds à la fin.
J'ai donc gentiment piqué 2 plis sur 4 à l'envers, puis je les ai tous repiqués en sandwich, et parce que jamais deux sans trois, j'ai fini par en piquer un avec le bas de la jupe qui traînait sous le pied-de-biche. Chaque montage-démontage nécessitant évidemment des allers-retours entre ma table, la machine et la table à repasser.

Nous arrivons pourtant tranquillement, sereinement, zènement, sans-gros-mots-ement à 11h55, j'achève enfin l'étape 1/28. Tiens donc, il faut aller manger ?! "Les candidates doivent aller se restaurer." Si, si, je vous assure qu'elle a prononcé très sérieusement ces mots, si, si. En appuyant bien sur le "doivent".
Restaurons-nous donc. C. a une quiche maison qui ne passe pas, O. disparaît sous son pain américain, S. grimace devant son mini-américain, aussi gros que mon avant-bras, V. et moi n'allons pas plus loin qu'un jambon de pays-beurre plutôt raisonnable. Échange autour de ces fameux plis. Ouf, je ne suis pas la seule à m'être pris la tête dessus.

13h. Die Hard part Two. Étape 2 : Prépiquer les plis à 3 mm du bord. Gné Gné Gné ? Heureusement que nous avons deux examinatrices du tonnerre, le conseil en bandoulière, la traduction aux lèvres, les doigts malins qui replacent l'air de rien la pièce 7 sur la pièce 2 près de la 4, en dessous de la 9. "Voilà, c'est très beau ce que vous faites. Très beau, vraiment."

Je passe sur les Assembler-Surpiquer-Repasser-Ouvrir-Rabattre et autres Surjeter, pas la peine de sauter des lignes pour lire la suite, va. Il est 15h30, j'en suis à l'étape 13 : Poser la fermeture à glissière invisible à 15mm du bord.Vi, vi, toujours tolérance blabla.
Petit aparté : la fermeture-éclair invisible, comme son nom l'indique, est ......... invisible, ouiii !! Elle se pose donc avec un pied spécial, qui ressemble au Tunnel sous la Manche (non, aucun jeu de mot stupide...) dans lequel elle est censée se glisser docilement et sans effort. En tout cas à la maison, ça le fait.
Mais pas là.
C. est partie rouler son fauteuil au frais, O s'arrache encore les cheveux sur ses plis, S. a déjà piqué et défait 4 fois sa fermeture : son tissu s'effiloche, ses yeux se mouillent, ses mains s'affolent... V. son interprète est parti depuis deux heures. Je m'acharne sur la bête. A 16h45, quand elles nous mettent dehors de force - "Vous êtes épuisées Mesdames, il faut partir !" - j'ai un éclair de génie, je déroule la fermeture pour la faire maigrir et miracle, elle passe, s'engouffre dans le tunnel, déroule sa belle ligne, oh que c'est beau, chantons notre joie frères et soeurs tous avec moi !!

Allez, on finira demain, je range mon matériel, mais où est passé cet enf*iré d'élastique encore ? sous ma convoc. Je rentre à moitié satisfaite, à moitié angoissée, je n'aurais jamais le temps de finir, à moitié soulagée, finalement, ce n'est pas si dur que ça.

Oui, moi j'ai trois moitiés si je veux.

La suite, là.


1 commentaire:

lolodelanormandie a dit…

Rôôôô j'en aurais pas fait le quart du huitième de la moitié ! Bravo !