mardi 18 mai 2010

Ça va ?


Prenons le truc le plus écœurant que vous puissiez imaginer. Un monstre qui répugne à chacun de vos sens, une pourriture infecte et nauséabonde, à vomir, le cauchemar éveillé, le croquemitaine du placard. Cette bête atroce vous dégouline dessus, vous englue, vous retient, vous digère, lentement, indéfiniment, tout le temps.

Prenons une force surhumaine, un courage surprenant, un sursaut terrible ou de l'aide, tout simplement... et enfermons tout ça dans une cage en acier, recouvrons de chaînes et de cadenas, enveloppons le tout d'un sac épais en fil armé, emballé d'un solide carton entièrement doublé, non, triplé même, et recouvert de plusieurs rouleaux de scotch indéchirable, cachons encore tout ceci sous de nombreuses couches de papier, par ici la ficelle, jette-moi ça dans une malle en fer et boucle-la, voilà, tout au fond de cette cave au dix-huitième sous-sol, derrière la porte blindée aussi épaisse que cinq murs de château-fort.

Respire. Tu es à l'abri. Tu peux essayer d'ouvrir tes volets, de contempler le printemps revenu. Tu peux décider de répondre, quand ton téléphone sonnera. Tu peux sourire à la caissière. Tu peux croiser quelqu'un que tu connais, et le voir, cette fois.

Mais lorsque tu voudras répondre à son gentil : "Ça va ?", tu t'apercevras, horrifiée, que cette larme qui soudain se met à rouler sur ta joue, a une odeur putride, une noirceur infâme, un goût ignoble, elle trace un sillon acide et déchire de son hurlement ton crâne qui s'ouvre en deux, déversant la bête que tu avais cru pouvoir oublier.

Je suis "en dépression". Parfois j'ai l'impression que je ne m'en sortirai jamais, autant baisser les bras et me laisser crever. Parfois je kidnappe quelques miettes de bonheur intense, pur, limpide : le soleil se lève sur la plage, mon petit-fils place tout seul les pièces de son puzzle, et je sanglote à 5h du matin parce que la Dame de Bagatelle est morte, au bout de 1327 pages.

Entre les deux, ça va. Ou pas.
Ne pas éveiller la Bête.

1 commentaire:

Miyax a dit…

Comme je te comprends.
Tellement semblable.
Ne regrette pas de ressentir la noirceur : moi quand j'ai eu mis la cage dans la malle dans la cave, je me suis aperçue que tout ce qui faisait que j'étais moi était parti avec, et j'ai vécu comme un zombie pendant des années.
Quand tout a commencé à se déballer j'ai souffert mais je commence à guérir.
Le plus important c'est que tu en sois persuadée (au moins de temps en temps).
Courage et savoure les trêves.
Je t'embrasse