vendredi 19 mars 2010

Cauchemar

Il est 15h.
Après avoir déposé une amie chez elle, je pars chercher ma fille à son stage : elle termine à 15h30, a priori je suis dans les temps.
Je décide de passer par la Poste, pour vérifier au distributeur si la CAF a viré (enfin) ses allocations de mars.
Commence une demi-heure de cauchemar pur.

Je passe par un carrefour un peu dangereux, priorité à droite peu visible, tout le monde a l'habitude de s'arrêter carrément, pour couper la voie en toute sécurité. Sur ma gauche, vient se ranger une voiture verte, une vieille dame, qui se dirige à gauche vers la caserne des pompiers. Embouteillage, une file de voitures ininterrompue nous immobilise toutes les deux un bon moment. Enfin je lève le pied de l'embrayage, la voiture s'élance quand j'entends un énorme choc. A mon côté, je vois la vieille dame précipitée sur son volant, qui rebondit vers son siège avant de revenir sur le volant. Mais ma Clio roule déjà, j'ai juste le temps d'apercevoir l'autre voiture, celle qui lui a foncé dedans à toute vitesse, qui la pousse encore quand la scène disparaît de mon champ de vision.
Tremblante, un peu abasourdie, je ne réfléchis pas, j'avance, ce n'est qu'au feu suivant, 500 mètres plus loin, que je me reproche de ne pas m'être arrêtée, pour, je ne sais pas, porter secours, témoignage... Mais voilà déjà le parking de la Poste. Je m'engage, vite arrêtée, dans le couloir étroit, par deux voitures qui semblent se menacer l'une l'autre.
Il est 15h08 à l'horloge de la pharmacie. Une passagère descend en gesticulant, fait mine de s'éloigner, puis revient vers le 4X4 qui gêne le passage. Dispute, je n'entends rien... Mais le 4x4 avance bruyamment, la petite voiture se faufile sous l'arche à droite, le 4x4 recule en rugissant. Je passe à mon tour. Je suis toujours dans les temps, ça va.
Pas de place sur le parking, comme d'habitude. Je fais le tour du quartier, me gare à l'arrière de la Poste. Toute à mes pensées (est-ce qu'elle va bien ? est-ce que j'aurais pu faire quelque chose en m'arrêtant ? ça aurait pu être moi...) je rate le raccourci de la petite impasse. Tant pis, je fais le grand tour. Une dame se hâte juste devant, pour arriver au distributeur avant moi. Je soupire. Quand elle tourne les talons, au bout d'une minute à peine, je m'approche, pour lire "appareil momentanément indisponible". La dame file vers les guichets de la Poste. Peut-être y a-t-il un distributeur à l'intérieur ? Je la suis, l'entends demander à l'accueil. "Ici nous faisons travailler de vraies personnes, lui répond Madame-Insupportable. Prenez un ticket, allez au guichet !"
"Bonjour, quel est le distributeur le plus proche s'il vous plaît, celui dehors est indisponible...
- Vous m'avez entendue (qu'est-ce que tu en sais, espèce de peste ? et si j'étais sourde ??) vous faites la queue comme tout le monde ! "
Je tourne les talons sans un mot. Cette fois le temps commence à presser, je retourne à la voiture en passant par le raccourci... ah non, encore une fois j'ai raté l'impasse, je fais le grand tour par l'autre côté. Et je ne retrouve plus la voiture.
Demi-tour : l'employé municipal qui passe le jet sur le trottoir m'arrose une deuxième fois le bas des jambes. Je n'en vois rien, la panique monte en moi : j'ai perdu la voiture !
Je cours sur le trottoir, me tords la cheville, scrute toutes les voitures garées le long de ce fichu trottoir, et enfin, enfin, la voilà : je suis passée deux fois devant sans la voir.
Cette fois-ci, je risque d'être en retard, je maltraite mes pédales, pétris le volant, enrage derrière la voiture-laveuse qui se traîne dans la rue, bloquant une file de voitures de plus en plus impressionnante. Concert de klaxons derrière moi. Je lutte contre les larmes.
Il est 15h30 quand je repasse devant la pharmacie. Le distributeur de la Poste affiche un insolent "En service" vert fluo, juste au-dessus de la tête de l'homme qui s'en sert. Je serre les dents, cherche l'itinéraire le plus rapide. Tous les feux sont rouges. Tous.
Sauf celui près de l'école d'infirmières : son vert scintille au loin, j'accélère. Il passe à l'orange en même temps que j'aperçois la voiture de police qui attend, au feu en face. Je freine désespérément, ferme les yeux, mes pneus hurlent. Et mes larmes commencent à rouler. Je dois m'arrêter, je n'arriverai jamais à conduire jusqu'au bout, je dois m'arrêter... mais c'est impossible sur ce trajet.
Quand la voiture s'immobilise devant ma fille transie, furieuse, qui attend dans le froid depuis près d'un quart d'heure, tout sort en vrac et en désordre, je pleure, je gémis, je tremble. Un peu effrayée, elle se tait.
Mais qu'aurait-elle pu dire ?

2 commentaires:

Miyax a dit…

Aïe... Je me dis souvent que la succession presque ininterrompue de petites vacheries du quotidien est plus accablante et plus dure à supporter qu'un vrai problème dans sa vie. Non que je préfère voir survenir un vrai problème... Mais il est plus facile d'y faire face et de rester droit que dans cette usure constante du temps, de la monotonie, de la mesquinerie humaine couplée aux aléas et aux petites malchances...
Pas facile de se maintenir dans un état d'esprit qui fasse glisser tout ça sur nous comme l'eau sur les plumes du canard.
Amitiés et courage

lorys03 a dit…

C'est exactement ce qui me sape, années après années : je n'en vois pas le bout.