mercredi 19 août 2009

La fleur d'amour cueillie dans ton jardin

Je n'en peux plus d'attendre encore une fois le facteur, chaque jour, depuis une semaine. Même si cette fois-ci j'attends de bonnes nouvelles, la lettre-chèque des impôts, ça réveille en moi des souvenirs douloureux et trop récents pour que j'arrive à les gérer sans trop de dégâts.

Mardi soir, j'apprenais que j'allais recevoir 2 500 euros. Mercredi matin, chez la psy, j'ai pu dire à quel point cette perspective m'effrayait, parce qu'elle m'apparaissait comme le début du changement, la première rentrée d'argent significative, mais surtout, le signe que la roue tournait enfin en ma faveur : cela ne m'était pas arrivé depuis un moment.
L'après-midi, j'ai appelé le Centre des Impôts, pour en savoir un peu plus au niveau des délais. L'homme que j'ai eu au téléphone m'a confirmé la somme, la date d'émission (16 juillet 2009) et l'imminence du paiement, soit par virement, soit par lettre-chèque. J'ai raccroché, à nouveau bouleversée : ce n'est pas un rêve, c'est vraiment à moi que ça arrive.
J'ai appelé mon avocate, toujours aux abonnés absents : son nouveau message indique que le cabinet est fermé du 10 au 17.
Ne voulant pas rester seule avec cette angoisse qui remontait, j'ai passé la soirée chez des amis, entre piscine et salade landaise, nous avons guetté les étoiles filantes, et dépensé les 52 millions du futur tirage de l'Euromillions.

Le jeudi, la grasse matinée m'a permis d'attendre 11h sans trop de dégâts, mais rien dans la boîte aux lettres. Le vendredi, deux enveloppes de la Trésorerie, aargh, les deux pour ma proprio qui habite au second. J'attends, j'attends, ce sera pour lundi...
Mes deux filles viennent passer le week-end à la maison, c'est la féria, le petit s'amuse comme un fou, sieste, télé, plage nous traversons la canicule.

Elles repartent samedi soir et la nuit est difficile. Je me plonge dans l'écriture pour ne pas trop réfléchir, mais ça ne marche pas : dimanche midi, je me verse un premier verre de Mauresque, pastis et sirop d'orgeat.
Une nouvelle nuit blanche, et le lundi aligne ses minutes désolantes de lenteur. 6h, 6h30, 7h, 7h10, 7h13...Les chiffres du radioréveil me rendent folles. Je tourne en rond dans la maison, je finis la petite bouteille de pastis, et le reste de rhum. 8h16, 8h22, 8h24, ça ne va pas, ça ne va pas du tout.
Une douche, Internet, la télé, un livre, écrire... le temps se traîne, je n'arrive pas à gérer mon angoisse. Je descends enfin prendre le courrier, une lettre des impôts, ma main tremble... C'est encore pour ma proprio... Je me retiens pour ne pas la déchiqueter.
Je remonte, me jette sur le téléphone. "... Maître TroisPoulains... cabinet fermé... votre compréhension..."
C'est une catastrophe. La bête immonde qui me dévore le ventre est de retour. Je racle les fonds de tiroir pour rassembler les 3 euros qu'il me faut pour racheter de l'alcool. Perfusion indispensable pour traverser les prochaines 24h.

Mardi, 11h. J'appelle le cabinet de l'avocate non stop ce matin, toutes les demi-heures je tombe sur le même message "... fermé... compréhension..."
Je suis un peu dans les vapes quand ça sonne à la porte : ma proprio, qui s'inquiète de la forte odeur dans le couloir en bas. Ah oui, j'ai oublié de sortir les poubelles du week-end. Je bafouille, m'excuse, elle me tend une enveloppe Universal Mobile, "tenez, votre courrier..." Je referme la porte, hébétée.
A deux heures, je décide d'aller me renseigner directement au Centre des Impôts, je ne peux pas continuer comme ça. Sur mon ticket, 3 personnes en attente, il est 14h11.

Je suis passée un peu avant 16h. J'ai vu défiler au moins une trentaine de personnes qui ont été appelées avant moi. C'est ça en fait : ils ont oublié le zéro, après mon 3...

Celle qui me reçoit enfin est agressive. Je viens juste demander un éclaircissement sur ma situation, mais si elle insiste, je peux lui dévisser la tête, pas de problème.
Elle s'enfuit pour imprimer un bordereau récapitulatif, sur les dernières années, effectivement, entre les retards, les dégrèvements, les majorations, les avis à tiers détenteur, pas facile de s'y retrouver.
Elle finit par m'expliquer pourquoi je dois 471 euros aux impôts, c'est à cause de la télé que je regarde non-stop sous mon toit : redevance plus taxe d'habitation...
Je m'en fous, je veux savoir quand est-ce qu'on me paiera mes 2 600 euros.
Attendez je regarde... J'enfonce mes griffes dans le siège pour ne pas lui sauter à la gorge : at-ten-dez, non, je ne peux plus at-ten-dre !

Voilà, les mises en paiements ont débuté le 16 juillet. Vous n'avez pas reçu votre virement ? Dans un éblouissement son sang jaillit de sa gorge que je déchiquète à pleins crocs...
Ah oui, si vous n'avez pas fourni de RIB comme on vous l'a demandé... Je m'acharne sur ses tripes, je grogne furieusement en fouillant sa bidoche éclatée...
Bon, vous allez recevoir une lettre-chèque alors... J'enfonce mes doigts dans ses deux yeux globuleux, je tire pour lui arracher la tête, je shoote dans son crâne qui explose la baie vitrée...
Elles ont commencé à partir hier... hier... hier... Un rire de hyène s'empare de moi, me secoue, me renverse. En face de moi elle ne comprend pas, elle s'inquiète un peu et par sécurité, va se réfugier derrière la cloison de l'imprimante. Hier. On a commencé par les virements. Maintenant on envoie les chèques. Vous allez recevoir le vôtre madame. Ne vous inquiétez pas, vous allez le recevoir. Très vite. Au revoir. Passez par là pour partir.

Je suis rentrée. Je me suis encore cuitée. J'ai dormi, assommée. Et maintenant j'attends le facteur. Dans deux petites heures.
J'attends.
Je n'ai plus un centime pour me racheter à boire.
Tant mieux : l'alcool me rend un tantinet agressive.

Aucun commentaire: