samedi 20 juin 2009

Travelling arrière

Il est 21h.
Je comate devant la télé, des rires enregistrés, Arthur et ses éternels invités s'amusent.
J'ai fait la vaisselle pendant que les frites doraient, passé la serpillière, mangé pendant que ça séchait.

Il est 18h.
Les voisins dans la rue parlent fort et rient sous mes fenêtres ouvertes, mon mal de crâne s'est définitivement installé.
J'ai lu la moitié d'un bouquin que j'aurais dû rapporter il y a une semaine à la bibliothèque.

Il est 15h.
Mes larmes coulent en silence sur mon oreiller, j'ai du mal à respirer.
Les filles viennent de partir, dans un dernier éclat de rire. J'ai fermé la porte et je me suis allongée.

Il est midi.
L'ombre de la cuisine après la balade au soleil, dans les rues sales. La télé en fond sonore, les jingles familiers, encore des rires : complicité des heures calmes avant la sieste.
Je fais chauffer les légumes, nourris la tribu et le bébé affamé, fatigué. Pas envie de manger, j'ai un peu mal à la tête.

Il est 9h.
La salle d'attente est vide, les magazines bien empilés. Derrière la porte un petit se fait vacciner, hurlements.
Énième visite chez mon médecin, on tourne en rond, il n'a rien, ne sait rien, me prescrit encore des cachets et des sirops en rafale, remplit des papiers.

Il est 6h.
Le bébé s'agite dans son lit, il grogne et gémit, mes filles dorment de l'autre côté.
Depuis sa dernière tétée, je n'ai pas pu me rendormir, dans ma tête un ballet fou danse une ronde infernale : est-ce que j'ai vraiment tout imaginé ?

Il est 3h.
La télé ronronne, ma fille a éteint l'ordinateur et s'est endormie à son tour.
Dans son lit près de moi, le bébé digère, un sourire aux lèvres. Sa mère sursaute de temps en temps, se retourne et se rendort.
Dehors le vent s'est levé, le rideau s'agite aux rythmes des bourrasques, ses ombres légères enlacent mes idées sombres. Je ne sais pas quoi faire.

Il est minuit.
Petit à petit le sommeil a eu raison de la plupart d'entre nous, seule ma fille fait face à son écran bleu, le bruit léger des touches du clavier accompagne mes battements de paupière.
L'hôpital, la voiture, mes cachets, des tonnes de papiers, une bouteille, l'autoroute, des portes qui claquent... mes enfants. Tout s'emmêle, et le docteur hurle : "Vous n'avez rien...Vous n'avez rien !" Je me réveille le coeur battant.

Jeudi après-midi, le médecin-conseil a lourdement insisté pour que j'accepte un séjour en unité psychiatrique. Ensuite l'assistante sociale a écrit à ma place la lettre demandant un congé longue durée. Et quand nous avons passé le péage de l'autoroute, contrôle de gendarmerie, "soyez prudente.. n'ayez pas d'accident... allez-y madame faites attention !"
J'ai cette impression étrange que je me suis perdue. Je ne sais plus où j'en suis, quelle route prendre, quelle direction doit être la mienne maintenant.

Je vais m'arrêter.

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