lundi 8 février 2016

An tan lontan


J'avais 20 ans, ma petite dans les bras je défiais la vie et l'avenir d'assombrir mon sourire.

Je revenais de loin, je me doutais que le chemin serait encore long... Mon bébé en bouclier, je rassemblais encore ces liens effilochés, mon coeur au bout de la ficelle, pour lui tisser une famille.

Elle est arrivée dans un drôle de contexte, celle-là. La barre bleue n'avait pas encore séché sur le test de grossesse que je hurlais à tous les vents ma fierté. J'avais réussi. J'étais allée au bout de mon projet, de mes rêveries. J'étais enceinte. Ou plutôt, j'attendais un bébé.

Oui, j'attendais. Mon quotidien s'est alourdi, comme mon pas, mais mon sourire s'est arrondi, comme mon ventre. Enfin. J'ai abandonné les cours, à quelques semaines de mes partiels. J'ai appelé ma mère, et son rejet immédiat m'a confortée : cette vie que j'abritais était bien la clé de ma propre vie, libérée, loin de ses choix.

Je souriais.

Mon père, près de moi, entamait lui aussi un virage essentiel. "La voisine" avait nourri son chien, posé une assiette de crêpes sur sa fenêtre, guettant son retour depuis la sienne. Il a traversé pour la remercier, elle lui a servi un café, ils se sont écoutés, puis épousés.
J'aime quand il me raconte : "On prenait un panier avec le café les tartines, on traversait la route pour aller chez moi, en wouikinde, en amoureux..."
A eux deux, ils ont réparé bien des dégâts chez moi : le couple, les grands-parents, mon papa, la maman qu'elle était pour ses enfants... Je les regardais s'aimer, et je me disais que mon tour viendrait.

Le 28 octobre dernier, elle épluchait les légumes pour la soupe lorsqu'elle est tombée sous la table. Double embolie cérébrale.
Il l'a cherchée quand il est remonté du jardin, il l'a appelée, cherchée encore. J'imagine sa détresse lorsqu'il l'a vue allongée, inconsciente.

"On ne peut pas parler de miracle, nous n'utilisons pas ce mot," ont dit les docteurs.  
Aujourd'hui je reste persuadée que c'est leur amour profond, sincère, immense, qui l'a ramenée chez elle. Chez eux. Elle est sortie du coma, elle ne voyait pas très bien, ne marchait pas. Depuis Noël, elle rentre chaque wouikinde, retrouver son amoureux.
La semaine dernière, un toubib lui a dit qu'elle quitterait l'hôpital dès qu'elle pourrait monter l'escalier. Vendredi, fermement soutenue par les deux ambulanciers, elle a grimpé les 12 marches vers la terrasse, vers lui, qui l'attendait, les larmes aux yeux.

samedi 2 mai 2015

Alix


Elle est arrivée pile le jour de ses 6 ans et demi.
Sa petite soeur.
Sa fierté.

Alors, bien sûr, les aut'trucs de cette année passent bien loin derrière. Et pourtant, que de chambardements dans sa vie !

A commencer par l'entrée au CP, dans cette immense école, dans cette ville infinie, où aller au zoo prend 1h15 de bus. Il lit couramment, bien sûr, et gigote en classe, quelle surprise...
Sa mère travaille en crèche depuis décembre. Il va désormais à la cantine tous les jours, et aussi à la garderie, et à l'étude, quelquefois, le moins possible. 

En rentrant de l'école, il faut promener Yuki, sa chienne Montagne des Pyrénées, arrivée pour ses six ans. Il l'appelle Léchouille, elle passerait son temps à le doucher à grands coups de langue. Mais la dresseuse lui a appris à être "le chef de meute", parce que tout de même, elle pèse plus lourd que lui : il ne la porte pas comme il transporte sa chatte, Pirouette, devant la gamelle qu'il a préparée tout seul.

Depuis que sa mère a viré la télé de la maison, il joue sur son téléphone à 94%, Papa Pear et Bomb Beach ; ou il prend sa ds, et s'énerve parce qu'il n'est que deuxième sur le podium. De temps en temps, il se cale devant l'ordi avec sa mère, ils regardent des films improbables et nous appellent pour qu'on en discute...

Discuter, il ne s'en lasse pas, ces temps-ci il cherche un Dieu parce qu'il veut croire : après l'explication pour Charlie Hebdo, le baptême de la petite soeur malade de son copain, la circoncision d'un petit que je garde, ces histoires de religion, ça l'intéresse vraiment, et il y met toute sa passion habituelle. Ça change un peu de ces longs mois sur l'âge, le vieillissement et la mort. Mais dire "pétou" le fait encore exploser de rire, ouf !

Il va à la piscine le vendredi matin. Il est parti en classe verte, en mars, et dans la foulée est inscrit en colo pour début juillet. C'est un petit garçon qui aime la compagnie et la solitude à la fois. Il voudrait une grande soeur pour faire plein de choses avec elle, mais bon, une petite soeur c'est bien aussi parce qu'il sera pour toujours plus grand qu'elle.

Il l'a accueillie avec des étoiles dans les yeux, et au retour de la maternité, en racontant à sa mère qu'elle lui avait serré si fort si fort le doigt, il a ajouté : "C'est parce qu'elle m'aime déjà je crois." 

Ça doit être ça.

vendredi 1 mai 2015

Passer

Objectif n° 1
Finir de vider/réparer/nettoyer l'ancien appart : parce que c'est de l'argent qui s'enfuit bêtement

Objectif n°2
Terminer l'enclos des chiens, pour faire agréer la nouvelle maison, et obtenir de nouveaux contrats : parce que les fins de mois sont encore acrobatiques, un peu

Objectif n°3
Téléphoner, écrire, recevoir, aller voir des gens, des amis, ma famille, et aussi des inconnus, à connaître : parce que le temps file, vite, et que monte l'angoisse de les voir partir

 Je serre les dents, il m'en reste quelques-unes, j'avance, je m'essouffle, je ne lâche pas.

samedi 21 mars 2015

Silence


Plus d'alimentation pour mon ordi.
Une nouvelle maison.
Des heures et des heures de boulot, sans fin.
Mais les chèques qui vont bien au bout.
Plein de projets.
Fatigue.

C'est un tunnel dont je vois parfaitement le bout.
J'y arriverai.

lundi 21 juillet 2014

"J'y étais presque..."


J'allais... au choix.... prendre mon pied.... toucher plus... éviter la pluie... attraper le bus... être embauchée...
J'ai failli... t'épater, me fâcher, gagner, pleurer, m'envoler, vous tuer.
J'aurais pu...

Je suis plongée dans la lecture d'un bouquin passionnant : "Que dites-vous après avoir dit Bonjour ?" d'Éric Berne - le père de l'analyse transactionnelle. J'avais découvert ses travaux avec G., mon "extra-terrestre", celui qui m'a remis la tête sur les épaules et le vagin entre les cuisses, après mon divorce.
Pas facile de résumer en quelques mots... d'autant plus que ce soir, j'ai "fêté" la fin de mes deux semaines de vacances, avec une bouteille de vin blanc au sirop de cerises, mioum... Précisons que ma zazoune en a bu 2 verres quand même... et s'est chargée de chercher la musique sur gogol mon ami, pour le karaoké fort sympathique qui a suivi, coucou les voisins, oui oui on habite en bas, et on est là ce soir, haha !

Analyse transactionnelle donc. A base de scénario tracé dans la petite enfance, renforcé ensuite, et qui se joue jusqu'à l'aboutissement, tragique ou non suivant que vous soyez un gagnant, ou un perdant.
Je suis une perdante.
Ttttttt ne protestez pas, je perds courageusement mais je perds quand même. C'est dit.
Bon, demain je serai plus en état de vous expliquer les pourquoi et même les comment, disons que ce soir, j'entends mes parents me répéter : "T'as rien d'autre à faire que lire ?" 
Et je me revois me planquer sous la nappe de la table, ou dans le coin du mur derrière le buffet, un livre sous le nez, encore, toujours, jusqu'à ce qu'ils me cherchent, jusqu'à ce qu'ils me trouvent et me tombent dessus.

Mon père travaillait dur, beaucoup. Pour pas grand-chose. Il se mettait des culottes sur la tête et se déguisait, pour nous faire rire. Et on riait ! 
Mon père voulait qu'on réussisse, il nous disait : "Travaillez ! On n'arrive à rien sans efforts !" et son amour nous submergeait.

Ma mère jouait aux courses. Elle hurlait beaucoup, nous frappait encore plus. Je la revois allongée sur le canapé. Et je vois nos affaires, dans la poussière du balai qu'elle balançait rageusement. 
Il nous fallait nous appliquer, pour tout, pour montrer aux autres à quel point elle était une mère parfaite, merveilleuse, compétente et précieuse... Réussir à l'école, obéir, être mignonne...
Beaucoup d'hommes ont défilé à la maison, avant, pendant, après le divorce. Mon père l'aimait, il aurait tout pardonné. Il pleurait, elle riait. Il buvait.

Elle m'a appris que si je voulais quelque chose, je devais l'échanger contre un effort, plus ou moins grand, mais pas forcément honnête. Je pouvais tricher, séduire, mentir, du moment que j'obtenais ce que je convoitais.
Je l'ai vue aussi très appréciée dans son travail, d'abord prof, puis proviseur, sans comprendre, sans pouvoir faire le lien, logique, entre cette femme qui ne fichait rien, et celle dont nous parlaient les autres. C'était injuste vraiment, de récolter tant de compliments, pour si peu d'efforts.

Alors je lisais en cachette, je m'appliquais en classe, je cherchais à éviter les coups, et les disputes de mes parents me terrifiaient.
Je voulais être sage-femme, j'ai fini instit. Je me suis mariée, pour la défier, ou pour la fuir, elle l'a adopté, et l'a mieux traité que son propre fils.
J'ai divorcé, j'ai démissionné, j'ai bu et j'ai couché avec des tas d'hommes. J'ai aimé à en mourir. J'ai eu des enfants. J'ai déménagé.

Mon père s'est remarié le premier. Il regrette ma démission, et me pousse à redevenir fonctionnaire. Ma mère continue à me frapper, avec des mots que je ne sais pas toujours esquiver. Je les vois vieillir.

"Tu n'y arriveras pas, même si tu essaies"
C'est le scénario qu'ils m'ont donné, et je m'applique à le suivre. Comme Sisyphe qui pousse son rocher, à chaque fois que j'approche du but, je lâche tout en accusant les autres, "c'est pas ma faute !"
La rage et la frustration m'habitent en permanence, je ne vis que sur des "Si..." et je te promets que demain, demain, ha, tu verras un peu !...
Je ne fais rien. 

Mes vacances sont finies. Je n'ai pas envie d'être à demain.


lundi 24 février 2014

Deux vies


Dernière semaine de février.
Déjà ?

Ma Nanette a déménagé : elle a trouvé un super appart à Montpellier, à 500 mètres de là où elle vivait quand son fils est né - entre Ed et la station, ma lointaine normande ;o)
Depuis la lecture de l'annonce, mi-janvier, j'ai l'impression que nous n'avons pas arrêté... allers-retours en train, en voiture, en camion... payer, signer, emballer, payer, porter, décharger, payer... coups de colère, rires, blessures... La douche écossaise quasi-quotidienne, ça use. "L'ascenseur émotionnel", qu'on dit, main'nant. Overdose. Et ce n'est pas fini.

Conséquence directe : je prends la relève du dernier contrat qu'elle avait, un petit gars de 19 mois. Ma demande d'agrément prend un coup d'accélérateur. Objectif : au moins 3 places, pour assurer les futurs trajets vers Montpellier (une sombre histoire de petit-fils qui me téléphone déjà en disant : "tu me monkes hein!"...) et le remboursement de mon IDV.

C'est le deuxième phare qui aveugle mes insomnies : nous arrivons en mars, j'attends d'un jour à l'autre le titre exécutoire, pour fixer les modalités de règlement, et surtout, surtout, arrêter un montant. Sur le papier, 45.000 euros. Dans les faits, 2 fois 19.000, amputés de 14.300 en janvier, et de 6.000 en avril. 
Bon, l'Éducation Nationale n'est pas responsable des dettes que m'a laissées mon enf*iré d'ex-mari, certes ; mais elle l'est pour tous les trop-perçus mal calculés, qui gonflaient artificiellement mon imposition, en me privant des aides sociales de base au passage. 

La paperasse est donc au menu du prochain mois. Car je suis bien décidée à récupérer aussi cet argent de l'autre côté de l'Océan : au début de l'année, j'ai appelé, exposé, attendu. J'attends toujours le mail qu'il est censé m'avoir envoyé "avant la fin de la semaine !" Il doit avoir le même calendrier que Pôle Emploi. Celui où les jours durent environ 259 heures. Et 78 minutes. 
Le 25 mars, pour son anniversaire, il devrait recevoir le courrier de mon avocate. Chouette cadeau, non ? Quel dommage, il n'appréciera sans doute pas...

En parlant de cadeau, ma londonienne est rentrée, samedi. Épuisée par sa mini-tornade sur pattes de 26 mois, mais réconciliée avec les contrats au-pair. Elle envisage de repartir illico presto : Italia ? On laisse passer le contrecoup du déménagement, et on avise.

Autre contrecoup, autres projets reportés : l'avocat de mon fils a effectivement contesté son licenciement, début février... Prud'hommes, correctionnel, indemnisation : prochaine étape fin juin, si tout va bien. 
En attendant, il a repris le boulot, chez Monoprix : sa toute première enseigne, son premier job d'été, il y a dix ans déjà - quand je le posais à 5h du matin pour qu'il remplisse les rayons... Mais pense déjà à septembre, et à une éventuelle formation rémunérée, en reconversion.  

Septembre. J'aurai 48 ans.
Que ça me semble loin !

Confucius, qui porte bien mal son nom, disait : 
" On a deux vies, et la deuxième commence quand on se rend compte qu'on en a qu'une."

dimanche 5 janvier 2014

Que Février s'en vienne


C'est un sentiment qui n'est pas facile à partager.
Un ensemble de sensations, de ressentis, d'atmosphère inconfortable et inévitable à la fois.

Quand j'étais petite aux Antilles, chaque dimanche de la nouvelle année, passaient sur la route les 'mass' : des hommes à la peau sombre, frottés au sirop noir et luisant, à peine habillés, qui traversaient les villages en hurlant et en faisant claquer leurs fouets de corde quand on osait s'approcher... D'autres les accompagnaient parfois, entièrement cachés sous une combinaison noire où était peint un squelette aux os blancs.
On les attendait, partagés entre le plaisir de les revoir et la peur qui nous nouait le ventre. Ils sentaient fort la transpiration, leurs cris se mêlaient à nos rires et aux hurlements de terreur des plus petits. Je me rappelle ces minutes brûlantes, pleines de bruit et de fureur, quand tout le voisinage se pressait autour des masques, les bidons frappés avec violence, les éclairs aveuglants des morceaux de miroirs, les sifflets, les blancs des yeux exacerbés par tout ce noir... J'avais peur, intensément, effroyablement peur. Une terreur immense, qui me tenait clouée là, incapable de bouger, de courir me cacher, de fuir.
Et puis les mass repartaient affoler d'autres quartiers, d'autres villages, je les regardais s'éloigner, petit groupe gesticulant poursuivi par les plus téméraires. L'adrénaline redescendait doucement, jusqu'au dimanche suivant, jusqu'au cri qui me tordait les tripes : "Mi yo !!" ("Les voilà !" en créole) 

Aujourd'hui, dans ma ville aseptisée du sud de la France, les dimanches sont ensommeillés, les rues sont vides. Mardi-gras n'est pas férié, le carnaval occitan peine à réveiller mon plaisir : je ne comprends pas sa joie, sa musique. 
En janvier, après l'interminable couloir des mois précédents, aux accents de fête obligatoire, aux lumières artificielles, à la course aux dépenses, voici les voeux. Voilà les masques.

Bonne... Douce... Meilleure que l'an passé... Santé, bonheur, joie, du travail, des sous... De l'amour... Bonne année, toi aussi.......
Toi aussi.

Je vais bien. Aussi bien que possible.
J'espère que vous aussi.

Vous aussi.   

dimanche 8 décembre 2013

Faux départ


"Elle reprend le 1er... Elle est prolongée jusqu'au 17.. Elle sera là mardi... Est-ce que je peux compter sur vous ce soir ?...."

Je continue à bosser. (Presque) non-stop depuis le 19 septembre. Et jusqu'au 22 décembre au moins. On parle désormais d'incapacité pour celle que je remplace.

Ce travail m'a mis une claque derrière la tête.
Il n'y a pas de hasard ?

J'ai accepté au début parce que ce n'était que pour dix jours. Puis pour un mois.
Les fêtes arrivent.

Je travaillerai.

jeudi 31 octobre 2013

Conques, nourrices et phlyctène (part 2)


Comme toujours, et de plus en plus, tout dépend de la façon dont tu considères les choses.

Tu peux choisir de ne voir que le pire... présent ou à venir.
Tu peux décider que ta vie, finalement, est plutôt jolie.
Tu peux imaginer tout et son contraire, tu peux t'angoisser à l'avance, ou simplement sourire.

A la fin de mon premier contrat, en septembre, j'ai été prolongée jusqu'à aujourd'hui. Et puis encore, jusqu'au 17 novembre prochain. 

J'ai battu mon record personnel, en repassant et pliant 44 draps en 44 minutes.

Mon fils quitte ses employeurs incompétents : mais c'est lui qui est déclaré inapte... Méandres des procédures légales. 

Il est 9h du matin, je rentre. La rue est vide et silencieuse, les travailleurs sont au travail, les écoliers à l'école, les vieux vieillissent. Je travaille à nouveau ce soir, je m'endors à 13h. Qui a programmé le jardinier pour la haie d'en face, aujourd'hui, de 15h à 15h23 ? Je rêve de tronçonneuse qui tronçonnerait un trou... plus bas... là... Il est vraiment parti ? Je ne me rendors pas.

Clash à Londres, y a du retour dans l'air. A 22 ans est-ce qu'on a le droit de savoir précisément ce qu'on veut ? Elle se bat depuis si longtemps. Keep smiling.

Mon petit-fils a eu 5 ans. Le matin de sa fête, j'ai manqué les 6 dernières marches de l'escalier. L'avantage des bourrelets, c'est que ça amortit les atterrissages. Et j'étais déjà fêlée...

Argent, toujours : pour louer désormais, il faut passer les 3.000 euros mensuels, bosser depuis 5 ans, et présenter 2 garants. Ou accepter le trou à rats minuscule - bonus voisins compris - qui ne te bouffera pas les 2/3 de tes revenus. Parce que tu as la prétention insensée de vouloir travailler. Ma grande commence à désespérer. 

Quels mots traduiraient correctement, sans froisser, mon besoin vital de repli et de silence, entre deux nuits au travail ?  Depuis 40 jours, mon temps n'est plus le vôtre, je ne vous oublie pas pour autant. Je pars à 21h et je rentre à 9h. Sans avoir dormi. C'est mon choix.

Tout dépend de ton côté de la lorgnette.

Chaque nuit : 9 conques XXL de vêtements et linge de maison à laver, sécher, repasser, plier. Une cinquantaine de draps à empiler. Et 3 nourrices à remplir : café, lait, eau chaude. 10 tiroirs en métal : biscottes, croissants, confitures, sucre, beurre, miel et gâteaux ; tasses, couverts, sacs poubelle, verres ; couper le pain ; sortir le chariot. Pousser 52 portes, respirations suspendues, 20 protections à changer, 2 tournées dans la nuit. Relever ceux qui tombent, consoler ceux qui pleurent. Apaiser ces peaux qui tremblent de froid, de peur. Chaque matin 5 toilettes qui s'enchaînent au pas de course. De la peau, encore, des mots. Des sourires. "Je suis morte ?" me demande-t-elle chaque fois, en ouvrant les yeux. Je ne sais pas.

mercredi 2 octobre 2013

Tas, bassines et piles

J'aime bien ce boulot.
Et je le déteste aussi.

Le soir, à 21h30, j'enfile une blouse et un pantalon, et j'entre dans le four.
Malgré la fenêtre grande ouverte sur la nuit, la température de la pièce me saute à la gorge chaque fois.

C. est devant sa grande table, elle a commencé deux heures avant moi. Elle se retourne, sourit, c'est comme deux bras douillets et réconfortants qui m'enveloppent.

Me voilà devant la calandreuse et son rouleau qui ronronne, brûlant. A mes pieds, une, souvent deux bassines débordent de draps, blancs sur le plastique sombre.
La planche à repasser, immense, est un rempart dans mon dos : l'énorme réservoir de la centrale vapeur dort encore, je la brancherai tout à l'heure.

C'est parti.
J'attrape un drap, le plie en deux dans la longueur, et encore en deux. Mes bras se lèvent, s'écartent, se rabattent, je ne sens plus le tiraillement des premières fois : j'ai pris du muscle. Les doigts à l'abri des coins à peine repliés, je pousse le mille-feuilles de tissu sous la presse brûlante qui roule.
La première nuit, elle m'a terrorisée. Je l'imaginais avalant mes doigts, m'aspirant toute entière, je me voyais ressortir, plate et rouge, hurlant de douleur.
Aujourd'hui, elle grogne à peine quand le sandwich est un peu trop épais, et les draps roulent à la chaîne, un qui sort, un qui rentre, un que je plie, un qui sort... Je me brûle la pulpe des doigts chaque fois, mais c'est le prix à payer pour terminer à temps.
Sur la table à repasser, un mouvement ample pour redéployer le fantôme empêtré : et je replie, une fois vers le haut, une autre, une fois à droite, une dernière fois en haut. J'aime la main à plat pour effacer les derniers plis. J'aime les coins nets et le paquet compact que je dépose au bout de ma table. J'aime la pile qui monte, lentement, régulièrement, ses angles doux et ses lignes pures.
6 draps repassés, une petite promenade pour me dégourdir les jambes : je pose ma minipile tout en haut du rayonnage. On doit les compter, les noter sur le classeur. Chaque soir j'en dépose une bonne cinquantaine. La troisième nuit, je suis allée jusqu'à 63.

A 23h, j'attaque le repassage au fer. Les chemises, les pantalons, les robes, les tee-shirts des résidents. Les blouses et pantalons du personnel. Quelques mouchoirs, serviettes de table. C. continue à plier, encore, encore, des bassines entières de serviettes éponge, culottes, chemises de nuit, des chaussettes, des gants, des tabliers... Les casiers, vides à notre arrivée, se remplissent. Nous parlons, un peu, nous rions. La nuit s'enroule sur elle-même, dans un silence apaisant, étouffant le bruit obsédant des machines qui tournent et sifflent.
Et puis je pousse la table dans son coin. Un coup de balai, le filtre du sèche-linge à nettoyer... Il est minuit, c'est l'heure des changes. Je serre les dents : si je pouvais y échapper...

4 couloirs, 52 chambres, 63 résidents.
Pousser la porte, longer la salle de bains, m'approcher sans bruit du lit. Vérifier que son occupant respire.
Le premier soir, j'ai un peu triché. Ça me faisait peur, ces corps endormis, ces râles, ces odeurs fortes de fin de vie, pas très confortables. Je restais au bout du couloir, je guettais les draps pour les voir se soulever, et je battais en retraite le plus vite possible.
Et quelqu'un est mort. C'est ma collègue qui l'a découvert.
Depuis, je rentre, je m'approche, j'attends. 
Je voudrais ne pas avoir à faire ça.

Certains résidents doivent être changés.
C'est encore pire.
Entrer en allumant le plafonnier, hurler presque qui on est, et enlever les draps et couvertures... parfois ça ne les réveille même pas, et ils sursautent quand tout à coup 4 mains se posent sur leur corps exposé, nu, tremblant autant de peur que de froid.
Souvent il faut changer le drap, trempé. On essaie de limiter au maximum les manipulations, le bruit, le temps passé. Mais tout de même, quelle agression !

Et puis il y a les nuits-caca. Celles où les protections fuient. Où les couches sont visitées, baissées, arrachées... Les ongles souillés, les chemises de nuit et tee-shirts saccagés, les draps, couvertures, dessus de lit... Tout enlever, tout nettoyer, tout remplacer par du propre, du net : des fois, les draps sont encore chauds de leur repassage.

Il faut faire vite. Mes gestes se sont faits de plus en plus efficaces et précis au cours des nuits. Je tiens pourtant à la dimension humaine de mon travail : ces corps que je retourne, ces peaux que je nettoie, ces membres que je déplie, doucement, précautionneusement, ce sont des personnes, des vies, ils entendent, ils voient, ils sentent. Ils ressentent. 
Au début, C. semblait agacée de mes précautions, de ma lenteur apparente. Mais les nuits se sont adoucies, visiblement : "mes" résidents, enveloppés d'humanité, ont traversé les heures plus sereinement, il y a beaucoup moins de hurlements, de cauchemars, de sonnettes... 

Nous descendons en cuisine, préparer le chariot du petit déjeuner. Nouvel enchaînement de gestes mécaniques, petite musique bien réglée, minutée : bols, biscottes, beurre et confitures, les verres, les serviettes, couper le pain, verser l'eau chaude. 
Juste avant, j'ai traversé la pelouse pour jeter la poubelle, la lune fraîche sur l'herbe mouillée, l'air immense, libre, que j'ai respiré en force, mes cheveux trempés que j'ai recoiffés, ma blouse humide qui m'a fait frissonner, un peu.
C'est bientôt fini. 

Une heure de pause, si on s'est bien débrouillé même un peu plus. Transmissions écrites, on bavarde un peu plus, on s'allonge. L'oreiller est frais et moelleux. Difficile de m'endormir vraiment, je poursuis mes idées ici et là.

4h. Que c'est dur. Comme chaque fois, je promets de ne plus me laisser avoir, de rester éveillée, assise, en activité. Je me sens rouillée. Cassée.
Pourtant il faut repartir dans les chambres, guetter les souffles, changer les couches énormes, chargées, puantes. Cette fois le sac poubelle est lourd sur le trajet, l'air est froid, hostile. 
5 heures et demie, nouveau tour en cuisine : le café passe, le lait bout. Le chariot peine à entrer dans l'ascenseur.

Et il est déjà 6h. Nouveau chargement sur mon chariot, je suis seule désormais, j'ai 6 toilettes à  faire. 
Une douche, B. a 60 ans, et le QI d'une enfant de 4 ans, qui râle parce que je la lève, et qui voudrait bien jouer avant le petit déjeuner. Pas le temps.
Une toilette au lit, Mme E. n'a plus qu'une jambe, au pied coupé à moitié, elle est obèse et très angoissée, je dois respecter les rituels à la lettre, sous peine de devoir passer une heure dans sa chambre. Pas le temps, pourtant.
Et une petite mamie, complètement désorientée, ses questions me font de la peine, "je dois avoir 80 ans ? je crois que ma fille est morte... Où est maman ? pourquoi cette dame dort dans ma maison, qu'elle parte dans sa chambre !" Elle se laisse faire, docile, je l'habille et la conduit dans le hall, elle me supplie : "Vous allez revenir me chercher ?" Non. Je n'ai pas le temps.
Je fonce à nouveau au premier étage, avec un peu de chance je doublerai le chariot du p'tit déj, et je pourrai faire tout de suite le lit de cette dame si élégante, qui se prépare seule. Je dois juste vérifier qu'elle s'est levée et habillée. "Vous avez bien dormi ? Bonne journée !"
Madame J. m'accueille avec la joie d'un chiot frétillant, défaillant de bonheur. Elle parle, parle, parle encore, pendant que je la lave, assise sur les toilettes. Aujourd'hui, elle n'a pas sali le lit. Mais mettre son dentier la fait vomir, et je suis au bord de l'écoeurement moi aussi, lorsqu'il me faut récupérer l'objet du délit qui flotte dans la bassine. Il est 8h, vite vite, je n'ai pas le temps. Elle pleure chaque fois que je quitte sa chambre.

Et puis il y a Mme R. 
Le premier matin, déjà très juste sur mon planning, j'ai été dépassée par son corps crispé, recroquevillé avec acharnement. Je me suis battue avec sa chair dure, ses doigts crochus, son regard noir. Je lui ai enfilé une robe, l'ai posée dans son fauteuil, attachée... J'ai regretté la robe à peine passé la porte du couloir. Mais j'étais en retard, pas le temps de recommencer.
Le lendemain, j'avais décidé de lui faire sa toilette au lit. Je suis arrivée dans sa chambre à l'heure où j'aurais dû partir : elle était installée dans son fauteuil, trempée, les restes de petit déjeuner coulant sur son menton et sa chemise.
Le combat a été plus rude encore que la veille, elle a jeté toutes ses pauvres forces dans la bataille, pour résister encore et encore à chacune de mes tentatives. La déshabiller, la laver, la sécher.. la remonter sur le lit où notre corps-à-corps l'avait jetée de travers, attacher correctement la protection, enfiler le pantalon, plus pratique que la robe... mais si difficile à remonter.
A 9 heures et demie, il me restait à lui enfiler ses chaussures. Et mes yeux sont tombés sur les bas de contention, flambant neufs sur la table de nuit. Je les avais oubliés la veille, pas question de les zapper cette fois.

La nuit avait été interminable. Je n'avais pas encore pris le rythme, et j'étais épuisée. Je n'avais pas eu le temps de manger la veille. Et je travaillais depuis 12 heures d'affilée.
Quand la kiné est entrée dans la chambre, et m'a vue accroupie par terre, au pied du lit, les larmes aux yeux, elle a cru que j'étais tombée. Mes sanglots, libérés, ont couvert mes explications décousues. Elle a enfilé les bas à Mme R., l'a transférée sur son fauteuil, et m'a serrée dans ses bras, très vite, très fort. J'ai fait rouler le fauteuil jusqu'au hall, débordante, perdue, j'ai répondu à ceux, celles qui me croisaient, et je me suis enfuie.
Le lendemain, Mme R. n'était plus sur mon planning de toilettes. 
Quatre jours plus tard, elle mourait.  

dimanche 29 septembre 2013

"Patience ! Avec le temps...


...l'herbe devient lait."

Où en est-on ?
J'ai digéré la nouvelle, expédié ma fille à Londres (tout est ok, et just fantastic !), donné un coup de main à mon autre fille (qui attaquait la rentrée avec 2 nouveaux contrats d'assmat et son loustic qui ne veut pas aller dans sa classe "trop nulle !"), et remis les pieds dans mon atelier... il était temps !
J'ai aussi couru les administrations et autres bureaux d'aide sociale ... oh, je vois que vous vous souvenez à quel point j'adore ça ! Je me suis pendue au téléphone de longues minutes, et j'ai renvoyé une autre dizaine de candidatures pour des emplois tous plus bizarres les uns que les autres (mais ça fera sans doute un autre billet, ça)

A priori...
Je l'ai dans l'os.
Et là, je suis polie, bien sûr.
(En vrai, là où je l'ai, y a pas d'os, enfin, pas aussi profond, enfin, vous saisissez, pas besoin d'un dessin quand même !)
Je l'ai aussi en travers de la gorge.
Ouais, ça remonte haut.

J'ai signé - de mon plein gré - un contrat d'agent non titulaire, pas contractuel ni vacataire, la nuance est d'importance. Donc je rembourse.
Je ne peux pas remplir de dossier de surendettement, car je suis autoentrepreneur : la seule option ici est la liquidation judiciaire. Et je m'y refuse : ça fait 3 ans que je me bats pour faire exister ma marque, je commence tout juste à en récolter les fruits, et il faudrait que j'arrête ? No way.
Et quand je présente mon CV pour tout ce que je peux trouver à faire là, tout de suite, maintenant, j'ai des réponses aussi étranges que "On ne va pas mettre une enseignante au ménage, quand même..."
........
Quand j'ai une réponse...
Signalons le merveilleux : "Vous n'avez pas le bon âge : plus jeune on m'aurait donné des aides pour votre embauche, plus vieille aussi, mais là... et je vais devoir vous payer plus cher qu'un petit jeune qui débute, en plus."
En plus.

Mais...
Restons positifs, voulez-vous ?

Le titre exécutoire ne sortira qu'en mars 2014, ce qui me laisse une jolie marge de 5 mois.
Lorsqu'il sortira (je ne peux rien faire sans...) il me faudra plaider ma cause auprès du Trésor Public, et mettre en place un plan de remboursement. "Même si ça me prend 6 ans ? - Même. - Sans intérêts de retard ? - Sans."
Bon.
Si tu le dis.

Mes indemnités de chômage courent jusqu'à mi-février 2014. 
J'ai demandé l'agrément d'assistante maternelle, et vais reprendre les 3 contrats de ma fille, qui partira sur Montpellier au début de l'année prochaine.
Actuellement, j'ai un CDD de lingère/aide-soignante de nuit dans une maison de retraite, jusqu'au 30 septembre (mais peut-être plus, si le genou de celle que je remplace ne se remet pas...). Ça me rallonge mes jours d'indemnisation, et rajoute des lignes dans mon CV.
Et j'ai un marché de Noël qui se profile, le 17 novembre prochain, je recommence à faire du stock.

Autant vous dire que je ne sais plus vraiment quel jour on est, quelle heure est-il, qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui...

Et on s'en fout pas mal hein ?!
Tant que je suis à l'heure au boulot...


vendredi 6 septembre 2013

Une histoire de roue


Au début je n'ai pas compris.
Une longue lettre, des phrases tarabiscotées. Des dates, plein.

J'étais passée en coup de vent chez moi : Zazoune s'en va à Londres, depuis lundi chacun de ses pas laisse une poussière d'étoiles derrière elle. Ça illumine son déménagement express.
Donc, partie tôt ce matin, une journée sans pause. Même pas le temps de passer aux toilettes. 19h24, je quitte le supermarché, non vraiment, j'ai trop mal au ventre, je m'arrête. Boîte aux lettres, la banque, une pub, encore la banque, et l'Inspection.
Arf, j'ai oublié : au début de l'été, ils m'ont ordonné de renvoyer une montagne de papiers pour calculer ma retraite... ça doit être un nouveau rappel.

Le Recteur de l'académie de Montpellier, Chancellier des Universités.
Mazette.
Mme Skrzypczak... avec un nom pareil, pas étonnant d'ignorer qu'il n'y a qu'un L à chancelier...
Objet : remboursement indemnité départ volontaire
Ils doivent payer une taxe sur les mots de liaison...
Je lis. Je ne ris plus.
Je relis.
Ça n'a pas l'air d'être une plaisanterie.

Ma première réaction, c'est mon ventre qui la livre, et ça soulage.
Ensuite, c'est la rage.
Mais ça ne s'arrête donc jamais ?

Depuis 21h, monte la détresse. Celle qui m'empêchera de me lever demain. 
Qui me roulera en boule, qui m'étouffera.

Pas d'issue en vue, ce soir.
Juste quelques mots.
"A ce titre, je vous informe que je demande à Madame la Directrice des Finances Publiques de l'Hérault de procéder à la récupération des 45 648.00 euros, somme dont vous êtes redevable envers l'État suite au non-respect des dispositions de l'article 8 du décret 2008-368."


mercredi 14 août 2013

Time out


Mardi 20, dernier marché nocturne.

J'ai hâte. Je suis fatiguée, ça ne marche pas très bien.
Pas du tout en vérité.
Ce n'est pas le produit-cible, sans doute : énormément de passage, de "Oh c'est trop beau/mignon/chouette !", mais pas d'achat. Je donne ma carte, je dis que j'expédie dans toute la France...
J'encaisse chaque départ comme un coup de poing au ventre, ça me laisse le souffle coupé quelques minutes... jusqu'au potentiel client suivant, qui s'approche, tâte, montre "t'as vu comme c'est chou ?!", et s'éloigne à son tour.

Le mercredi, après une courte nuit (je rentre vers minuit trente, m'endors difficilement, me réveille à 6h...) je suis cassée : hébétée, sonnée par l'effort fourni pour sourire, expliquer, argumenter... Je décharge la voiture, je la gare à l'ombre, j'erre, incapable de faire quoi que ce soit.
Le jeudi, le vendredi, je couds toute la journée, à toute vitesse, je crayonne des idées, je mets le bazar dans mes tissus, j'essaie, je rate, je m'énerve, je triomphe.
Samedi, dimanche, le rythme se ralentit, les pauses sont plus longues. Courses, plage, télé, ordi. Je pense à mon déménagement. A la rentrée. Je téléphone.
Lundi... En général, j'ai un tas de trucs administratifs à boucler. Ou du quotidien pas marrant, ménage, lessive, vaisselle, qui s'accumulent... Pas trop le temps de m'approcher des machines, et le soir, trop fatiguée pour être productive.
Et mardi arrive. Je me lève en espérant qu'il pleuve. Oh s'il vous plaît s'il vous plaît faites qu'il pleuve !! A qui peut bien s'adresser ce genre de prières ? Il ne pleut pas.
Si, il pleuvra 5 ou 10 minutes, le soir, en plein milieu du marché, sur le stand installé qu'il faudra protéger en urgence. Et sur les visiteurs qui courront se mettre à l'abri, et qu'on ne reverra pas de la soirée.
Comme je me force à y croire quand même, je mets la dernière main à tout ce que je peux. Urgence. Panique. Je dois partir à 16h15. Tic, tac, tic, tac...
Je charge mon coffre, je respire un grand coup. Et c'est reparti.

Mardi c'est le dernier.
Enfin.

lundi 29 juillet 2013

Memories


Il y a quelqu'un qui lit tout mon blog, petit à petit.
Je ne sais pas grand chose de lui (elle ?) : depuis que Google Analytics a changé de fonctionnement, je ne m'y retrouve plus, et les stats de Blogger ne me donnent qu'un minimum d'infos.
Les pages lues, les mots tapés sur Google pour arriver jusqu'ici, le nombre de lectures d'un même billet... Des fois, le titre ou la date de publication ne me disent rien. Du coup, je retourne le lire, moi aussi. Et je me souviens.
Comme le billet que ce visiteur a lu aujourd'hui, par exemple. 
Je me souviens comme c'était dur, à ce moment-là. Les galères s'enchaînaient, on n'en voyait pas le bout. Je connais la fin de l'histoire, je sais que ça s'est finalement bien terminé. Mais qu'est-ce que c'était dur...

D'autres billets, exhumés des tréfonds du blog par mon paléontologue mystérieux, m'ont replongée dans ces jours déjà si loin : larmes aux yeux, ou sourire sincère, chaque fois j'ai relu mes lignes avec un sentiment étrange d'empathie. Curieux, quand on sait que c'est moi, qui provoque cette envie de me serrer fort fort dans mes bras, en répétant "Ça va aller, tu verras, ça va s'arranger..."
J'étais déjà bipolaire, me voilà à la limite de la schizophrénie ! 

Plus sérieusement :
me voilà de nouveau à la croisée des chemins. Des décisions à prendre, des portes à fermer, d'autres que je n'ose pas pousser. Des contraintes. Des coups de pouce.
Je dois retourner travailler. Ça tombe bien, j'ai plusieurs offres d'emploi.
J'ai donné mon préavis : c'est lié aux propositions d'embauche. Mais depuis deux semaines, c'est un pieu dans le coeur, un poids qui m'empêche de respirer.
Je prépare mon troisième marché nocturne.  Ahurissante fréquentation ! J'en reste sidérée toute la journée de mercredi, incapable de faire quoi que ce soit, et mon week-end file à toute allure vers un nouveau mardi, un nouveau coup de massue.
Mes filles, mon fils bougent les lignes. Partir, rester, changer, accepter... Projets : je me sens incapable de les aider. Même si je leur fais confiance.

J'aimerais lire dans l'avenir, rouler ma propre boule de cristal, savoir si enfin, un jour, ça s'arrêtera. Ou si je m'habituerai. 
Mes jours sont troubles, mes heures sont comptées. Chaque nuit, apparaissent dans mes statistiques d'anciens billets, et ce sont autant de messages d'espoir et d'apaisement. Comme si le plus dur était fait.

Mon voyageur du hasard ne laisse aucune trace de sa patiente remontée du temps. Du coup, c'est ici que je le remercie. Grâce à lui (elle ?), j'attends, simplement : et c'est un nouveau jour qui se lève.

mercredi 17 juillet 2013

Y croire


Un peu découragée aujourd'hui.
L'impression que ça ne sert à rien, finalement.
Qu'on en revient toujours au même point.

Ma licorne est noire :
pas de paillettes, pas de rose bonbon...
Mais elle a le mérite d'exister.

Si si.
Il suffit d'y croire.

dimanche 30 juin 2013

Clinomanie


Cette semaine, télescopage et questionnement. Les pensées tamponneuses... ça existe ça ?

J'ai appris ce qu'était le lit de Procuste. Un fils de dieu de l'Olympe qui avait décidé que les humains sortaient tous du même moule (ha ha ha) et pour le prouver, les faisait coucher dans un lit : ceux qui dépassaient, il leur coupait les jambes, ceux qui étaient trop courts, il les étirait.
Aussi simple que ça.
Jusqu'où peut-on aller pour prouver qu'on a raison ?

J'ai appelé mon père. Qui m'a une nouvelle fois demandé si je "ne regrettais pas"... 
Honnêtement ? Je finis par ne plus savoir. 
Je suis entrée dans l'enseignement contrainte et forcée, pour nourrir mes enfants, avec en ligne de mire mon départ, à 45 ans. J'ai serré les dents bien des matins, j'y suis allée parfois en me répétant : "Pense aux sous, pense aux sous..." pour tenir le coup. 
C'est ça pour vous, un enseignant ? C'est le genre d'instit qui nourrit le fantasme du fonctionnaire, toujours en grève ou en vacances. Ce ne sont pas mes convictions.

Les aiguilles tournent. 
Je n'ai pas retrouvé le niveau de vie que me donnait mon salaire, même amputé par la saisie. "S'il le faut", je peux signer demain dans n'importe quelle crèche, n'importe quel établissement de santé : ce ne sont pas les contrats qui manquent. Je ne mourrai pas de faim.
Mais je retrouverai la boule au ventre, l'heure, le "Bonjour, ça va ?" quotidien et multiplié. Les autres...

Fin 2015, je peux même retourner en classe. Bouée ancrée au large. La limite de baignade autorisée. Combien seront-ils à penser que c'est encore la meilleure issue envisageable ?
Je suis pile à la moitié du parcours : il y a 30 mois, je démissionnais, dans 30 mois, je peux y retourner. 

J'ai une décision importante à prendre cette semaine. 
Superstition ? Seuls mes enfants sont au courant. Pas le meilleur moyen de recevoir des avis, ha ha ! Disons que, définitivement, je ne suis bien qu'au fin fond de mon lit.

dimanche 23 juin 2013

A la main


Grand chambardement de neurones.
Encore.

Le chômage tombe tous les mois.
Enfin.

J'ai retrouvé l'envie de créer.
Beaucoup.

Les jours passent, l'été s'installe. 
Bien.

Je rouvre les dossiers abandonnés.
Lentement.

Il est temps de penser à plus tard.
Aussi.

Retrousse tes manches, et avance.
Maintenant.


lundi 17 juin 2013

Ça f'sait longtemps...

Au début, j'ai cru que c'était mon nouveau débardeur.
La couture, la lessive, la coupe : ça me grattait juste à la bordure, je frottais un peu, j'oubliais.

Vendredi, ça brûlait. J'ai regardé dans le miroir : une belle plaque rouge, surélevée, comme une brûlure d'ortie. 
J'ai tout de suite tilté : Limoges, printemps 84, un dermato flegmatique, "c'est une allergie banale au soleil, restez à l'ombre, ça partira quand vous serez bronzée..." 
Euh, j'ai passé dix ans sous le soleil tropical, sans aucune protection, et sans aucun problème, et là, d'un coup, je ne supporterais pas les misérables 19°C du Limousin, et son ciel gris ?

Bah oui. A l'époque, j'avais dû me badigeonner de crème hydratante, avaler des antihistaminiques, et..... rester à l'intérieur. C'est parti en 10 jours.
Là, j'ai un peu râlé. Et j'ai oublié. Samedi, j'ai couru à droite, et aussi à gauche, sous un soleil de plomb, à 13h30 et à 16h, impossible de faire autrement. Et je l'ai payé, immédiatement. La tache rouge a doublé de volume, elle m'est remontée sous le cou et a coulé entre les seins. J'avais l'impression qu'un poulpe faisait sa sieste sur ma poitrine, ses ventouses suintant de l'acide chlorydrique, et plus je grattais, plus ça brûlait !

Rajoutons les doigts et les orteils gonflés, l'oeil droit à moitié fermé, les gencives saignantes et la mâchoire bloquée ; toute la peau (de tout partout !) hypersensible au toucher - très sympa pour s'allonger... Et des coups de pompe terribles, à ne plus pouvoir simplement me lever. J'ai adoré mon dimanche.

Il me reste une semaine, à vivre en chauve-souris.
Restons positifs : si j'en fais une tous les vingt ans, ça va, je m'en sors bien. Non ?

*lucite : c'est le petit nom de ma nouvelle compagne. Lucite estivale bénigne, plus précisément. Et on retrouve le terrain autoimmun... Grrr...


mercredi 12 juin 2013

"C'est parce que je suis grand..."


Il appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur depuis quelques semaines maintenant, et arrive à tirer la porte pour l'ouvrir. Alors, dis donc, pourquoi sa mère ne veut pas le laisser descendre seul, attendre en bas la voiture de la copine pour aller à l'école ? Hein ?

Il continue à triturer la langue française et ses mystérieux mystères : boulangerie, boucherie, charcuterie, ok, alors pizzarie ? Quoi ? PizzeRIA ? N'importe quoi !
Mais aussi : "Ma polaine, elle tient chaud !" / "J'ai lu En sel et Bretelle, à l'école" / "Il me fait de la crachure, le bébé !" / "Dessine des craies-en-haut, là, sur le château" ...
Et encore : "T'en as quelques-uns, des robots Transformers... - J'en ai quelques-deux et quelques-trois, même..." / "Elle t'aime beaucoup, Clémence ! - Oui, elle me-t'aime."

Il fait des cauchemars la nuit. Se met à genoux et supplie : "Mais parle pas anglais !"

Il répond au téléphone et parle, parle, parle : "Passe-moi ta mère, s'il te plaît." Il tapote quelques touches, et reprend : "Oui, c'est moi, c'est maman !" Je rigole, insiste : "Non, allez, passe-moi ta mère !" Il change de voix et dit : "Mais c'est ma mère, c'est *** !!" 

Il regarde s'éloigner sa tante, songeur, un peu triste. "On ne peut pas la laisser partir comme ça, Tatys ! - Pourquoi ? - Mais parce que j'ai envie de passer du bon temps avec elle !"  

Il prévient sa mère : "Ne recommence plus ! La prochaine fois, si tu me fais pleurer, je prends ton cadeau de la Fête des Mères, et je le donne à ma nouvelle maman !"

Il négocie. Dur. "Je dors dans ton lit ce soir. - Tu t'endors et je te porte dans ton lit. - D'accord, tu mets Gulli à la télé ? - Non, dors. - Bon, si tu mets pas Gulli, je dors toute la nuit ici, et si tu mets Gulli, je m'endors juste."

Il habitera à Paris quand il sera grand. Pourquoi ? Parce que Paris, c'est joli. Mais non, c't'une blague, il habitera là en bas, au 5e. "Comme ça, quand tu me manqueras, je viendrai, et quand même, j'aurai ma maison, et je me coucherai tard et je regarderai la télé, parce que tu me verras pas...."

Il regarde Donald aux prises avec Tic et Tac, sur l'ordi, et me prévient : "Là, tu vas trop rigoler, regarde, Donald il va..." Quel bonheur d'entendre ses explosions de rire !!

Mais ce que je préfère, c'est encore son câlin pour me dire au revoir. "Tu vas me manquer, ma super-Mémène."

Toi aussi, mon bonhomme. Toi aussi.